Ce n’est pas forcément évident de travailler avec des organisations comme le Hezbollah. Spécialement lors d’importants événements publics qui rassemblent de hauts dignitaires, surtout durant des périodes de conflits comme celle-ci. En plus des risques physiques, les journalistes doivent interagir avec une organisation politico-militaire structurée et organisée qui prend très au sérieux la bataille de l’information. Ainsi, dans un contexte de guerre comme celle entre le Hezbollah et Israël, contrôler et influencer les journalistes (et par extension l’information) est un enjeu majeur.
Le 22 novembre 2023, une frappe israélienne dans le Sud Liban a coûté la vie à cinq individus, dont Abbas Mohammad Raad, fils du chef du groupe parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad. L’enterrement des victimes a eu lieu dans la ville de Nabatieh, fief du Hezbollah situé dans le sud du Liban. Cet événement a rassemblé plusieurs milliers de personnes. Parmi lesquels se trouvaient des figures notables du Hezbollah, dont Hashim Safi Al Din, chef du Conseil exécutif du Hezbollah et considéré généralement comme le « numéro deux » au sein du groupe. Également présent, le représentant de l’ayatollah Khamenei au Liban, Mohammad Yazbek. Ainsi que d’autres personnalités de premier plan telles que le ministre libanais des Transports, Ali Aqeed Hamiyah, ou encore des hauts gradés de l’armée et de la police libanaises.
Contrôle et instrumentalisation
Le Hezbollah s’est doté de communicants, développe une stratégie de relations publiques et dispose même de ses propres médias. Preuve de l’importance de l’information pour le parti. Ainsi, pour couvrir des événements majeurs – ceux qui regroupent les principales figures du mouvement ainsi que leurs alliés et vassaux – il est bien évidemment nécessaire d’obtenir une autorisation. Pour l’obtenir, à moins d’avoir des contacts directs auprès de membres du Hezbollah, il faut faire une demande à leur bureau de relation presse ou travailler un bon fixer. Dans tous les cas, une unité de sécurité du parti va inspecter minutieusement la demande et surtout, les demandeurs. Les articles ou autres productions seront inspectés et si les agents de sécurité (et de relation presse) estiment qu’il est dans leur intérêt d’accepter la demande, ils le feront. Leur principal intérêt est de donner de l’écho à leur propre narratif, mais les journalistes peuvent aussi servir d’autres objectifs. Lors d’événements importants qui rassemblent de hauts dignitaires, la présence de journalistes étrangers sur les lieux peut servir de protection, de bouclier humain pour les responsables. Dans d’autres circonstances, la mort d’un journaliste peut servir les intérêts d’un belligérant. Si une faction emmène un journaliste dans une zone dangereuse et que celui-ci est tué ou blessé par l’adversaire, cet événement pourra être instrumentalisé à des fins politiques. Le Hezbollah ne fait pas exception. Tous les belligérants perçoivent les journalistes de cette manière. Dans le conflit actuel le Hezbollah, les factions Palestiniennes et Israël sont tous parties prenantes dans la guerre de l’information.
Cependant c’est le travail des journalistes de se rendre dans des zones qui peuvent être dangereuses pour enquêter, interroger et rapporter des faits. Le journaliste doit toujours s’interroger sur les intérêts de ses interlocuteurs à lui parler, à lui confier une information où à l’autoriser à se rendre quelque part. Il se trouvera toujours au centre de la guerre de l’information que se mènent les belligérants. La guerre de l’information (propagande, désinformation) est aussi vieille que la guerre elle-même. Cependant, ses capacités et ses effets sont démultipliés par la numérisation et les nouvelles technologies de l’information, chose inédite dans l’Histoire. La guerre a changé et le métier de reporter de guerre avec elle.